22 juillet 2007

Mercredi 18 juillet 2007. Genova

Genova.

Une de ces villes qui noircit les pieds... Du bruit, du monde, des bus. Il n'y a plus de traces de la quiétude des vacanciers. La chaleur est étouffante, une brume de pollution pèse sur la ville... Une brume de dégoût se dépose sur mes pellicules. Tout n'est pas toujours beau...

Anne.


Genova.

La ville descend des montagnes pour se jeter dans le port... Un imbroglio d'architecture : des palais et hôtels aux façades colorées et moulées croisent des bâtisses rectilignes... Ici pas d'air, pas d'espace, tout est en hauteur: Il faut ériger pour obtenir une possible densité. Je cherche à respirer mais au fur et a mesure, la saleté, la moiteur de la ville envahit mon corps. Via San Luca, nous sommes dans les souks d'Istanbul. Les trafics en tous genres ne sont pas loin, le coeur du port... Simbad le marin.
Je m'égare, me questionne : une part d'Orient alors que nous sommes encore au Nord. Sous l'autoroute, le port... Toujours ne pas perdre d'espace. L’urgence citadine se fait sentir. Comme un cliché : vespas, voitures croisent bus et quelques piétons se ruent d’un trottoir à l’autre. Je sens le gaz, le fuel... Je relève la tête depuis le point zéro... Le port, la ville semble se ruer sur moi. En hauteur, Gènes devient autre. Le soir, mes cheveux sèchent, je regarde le calme étrange qu’impose le soleil couchant sur le port. Vu d’en haut, il offre espace, horizon, il ouvre le fantasme vers un ailleurs. Au sol, il s’agrippe au corps qu’il traverse pour le pénétrer de crasse, de moiteur, de poussière, de gaz jusqu’à ce qu’il en frémisse.

Lise.

Mardi 17 juillet 2007. San Remo / Alassio


San Remo.

Un hôtel, non une sorte de pension où il faut quelque temps pour situer qui est la patronne. Ici, tout est félinien... La femme qui louche habillée dans une robe de soirée bleu azur nous sert de traductrice. Je ne peux m’empêcher de fixer son mascara bleu qui coule de ses yeux… Derrière dans la salle à manger décrépie, l’homme a tout faire s’agite, tentant de satisfaire tous les convives... Mais qui sont-ils, des clients ? Des amis ? Ils semblent tous se connaître, je les regarde a leurs tables : une cliente française, soixante-dix ans révolus, a abandonné toute coquetterie pour une autorité revendiquée. Sa croix de malte va et vient à chaque bouchée : elle est venue régler la succession de sa mère… L'homme à tout faire, petit et sec, me rappelle Arlequino tant son visage porte lassitude, tristesse et douceur: Un voile blanc semble couvrir son visage, le maquillage arlequino... Il abandonne son service pour monter à l’étage. Je le suis pour dormir.

Alassio.

"Zimmer,Zimmer,Zimmer, glaces léchées avec gourmandises, voitures immatriculées X et J déjà plus de trois mille par jour depuis la frontière..." Je sens la plume, la griffe, l'ongle, le corps, les amas de corps qui se juxtaposent pour ne former qu'une longue ligne humaine, rehaussée par les parasols clinquants aux couleurs des plages privées. Ici, pas de rire, tous sont en représentation... Sur l'arrière de la plage d'autres se laissent aller. Curieusement, le bord du rivage est un lieu visible où le corps est montré dans une posture, une attitude, un rapport social. Mais plus on s’enfonce dans la rangée de parasols, de transats plus le corps est relâché, s’offrant a un soleil dont il ne semble jamais rassasié…Pasolini me frôle, me souffle que l'homme se plait toujours dans la densité, dans le corps à corps jusqu’à s'en dégoûter... Rire, rire aux éclats pour respirer tant cette plage se fait microscosme écoeurant.... Dans l’arrière de la ville, les différentes boutiques s’alignent comme dans un parc d’attraction. Artifice des corps et du lieu dans lequel ils évoluent. Seule, la jeune femme à bicyclette, qui nous frôle, offre la légèreté de sa robe blanche soulevée...

San Remo.
Casino... Rien, la ville de nuit n’offre rien de plus que le jour... Balais de voiture sur artères ennuyeuses...

Lise.


San Remo.

"Hôtel Graziella", le néon rouge n'est pas encore allumé. Les cheveux blonds de la patronne tranchent sur sa robe noire, je suppose qu'elle est la responsable de la décoration de notre chambre. Des murs roses douteux, assortis au couvre lit, d'un rose un peu moins défraîchit... Mais le mauvais goût n'entame pas la gentillesse, et c'est la raison pour laquelle tant d'habitués sont ici.
Je ne sais pas quel oeil regarder quand la petite dame qui louche me parle, alors je regarde son nez.... Je ne sais pas quoi dire quand la vieille dame franco-italienne me dit qu'elle vient régler des affaires de succession, alors je lève les sourcils.... Ici c'est un peu comme une maison de famille, une famille genre "Cluedo"...
San Remo n'avait pas grand intérêt, et nos comptes n'étaient pas assez remplis pour jouer au casino ; Graziella devait être jeune quand Pier Paolo Pasolini y est passé, mais c'est sûr, il aurait aimé ces gens-là...

Alassio.

" Le monde cruel et merveilleusement vivant : marée d'établissement balnéaires "Neptune" avec les 1er vacanciers (...)C'est le fleuve bariolé de la vie congestionnée par le désir d'être, au sens le plus immédiat : peu importe comment, mais être ici, sur ces superbes plages, chacun au mieux de ces possibilités, à jour de l'été à concentrer ces forces pour être heureux et donc, à l'être réellement, à voir, à être vu, dans une fête amoureuse." (p 11-12)
Je sens le souffle des mots de Pasolini dans mon oreille. Tout est toujours là. Une longue bande de parasols multicolores longe la mer et dessine la plage. Pas un cm2 n'est perdu. Le grand diktat du tourisme... Chacun y trouve sa place, les vacanciers les plus anciens déjà trop bronzés, les derniers arrivés encore trop pâles.
L'odeur de la crème solaire flotte partout, l'odeur du soleil sur la peau, l'odeur des vacances. Comment se fondre impunément dans ce décor de congés payés?

Anne.

Lundi 16 juillet 2007. Ventimiglia


Ventimiglia.

Il n'y avait ni barrière ni brigadier. Finalement passer une frontière c'est un peu comme traverser une rue... Pas de passeport, pas de tampon, il ne restera aucune trace de notre passage...
Transit. Entre France et Italie, un entre deux, qui n'existe vraiment pour aucun des 2 pays. Midi, ici c'est l'heure du rien, le soleil est trop fort, aucuns frémissements, aucun mouvement. J'ouvre les yeux encore plus que d'habitude... Notre errance photographique commence.

Anne.


Arles -Ventimiglia.

En allant vers l’autre, les autres... En se figurant les atteindre, c’est le moment où tout s’ouvre : un ailleurs, l’étranger... Le train nous balotte, je me laisse aller à rêver de ce que sera notre longue route de sable... C’est le temps du fantasme, c’est le temps de l’exaltation...

Ventimiglia.

Ville frontalière, un entre deux comme souvent, elle se doit d’être un pont, un lien entre la France et l’Italie. Est-ce possible de glisser d’un pays à un autre? Ici, tout est déjà différent et pourtant si proche géographiquement de notre chez nous. Les façades rose saumon, rouge sang s’organisent en grandes artères, les palmiers agrémentent l’équilibre par une verdure sophistiquée. Tous les codes balnéaires semblent réunis, et pourtant... rien. Où sont les enfants léchant leurs glaces? Les matelas pneumatiques, les tubes de crème... Tout semble vide, quelques rares badauds errent dans les rues. Le soleil de plomb indique l’heure de la sieste. Il y a comme de la retenue à Vintimille... Je cherche ces corps à l’abandon.

Lise.

Le départ...

Nos deux routardes sont parties lundi 16 juillet... "On the road again". Les premières impressions n'ont pas tardé à arriver.
Les publications des écrits d'Anne et Lise seront toujours un peu différées... Même avec la logistique moderne, il est encore difficile de travailler en temps réel. Ainsi, les textes seront toujours datés pour pouvoir les distinguer de leurs dates de publication sur le blog. Voilà, il n'y a plus qu'à suivre nos deux photographes dans leur périple pasolinien...
Bonne lecture à tous au fil de la longue route de sable.

François.